Présentation de la démarche de l’artiste

Le réel et au delà

« Au temps de l’Odyssée, personne ne doutait de l’enchantement du monde. »

Statique ou en mouvement, mes personnages sont souvent seuls en scène. Ils portent des costumes, des masques, parfois dénudés, ou simplement maquillés pour mieux s’oublier dans le mouvement.

Ainsi le rêve s’insinue dans la figuration, il y a du mystère, des incertitudes. Il y a le réel, et au delà. Autrement, mes images sont nourries par mes propres références — la danse, le cirque, le cabaret, le carnaval, le rituel, le sport -.

De plus, la force physique des lieux a aussi son influence : je ne produis pas les mêmes images selon que je respire l’air de la mer, de la ville ou des montagnes. Par extension, chacune de mes peintures contient du dedans et du dehors, de l’avant et de l’après. Ce sont des espaces destinés à la contemplation.

Hommes Grenouilles (sportif) oeuvre de Clara Cornu
Hommes Grenouilles, 2014, 90 cm x 100 cm, sérigraphie, Clara Cornu

Zones de déclenchement

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On trouve les zones de déclenchement dans la nature, à l’extérieur. Ce sont des espaces tendus, en suspens. En attente. Il ne se passe rien encore mais le regard est déjà là, attiré tant par le carré de tissu blanc que le paysage qui encadre cette scène encore vide, jusqu’ici seul protagoniste.

regard : Hugo LACASSE

Elle s’inspire du Yobe Kemi, la beauté du vide en coréen, qui permet au spectateur de rentrer dans ses peintures. La technique rend libre et cet adage lui sert. Selon elle, la peinture reste vivante par la part qui nous échappe comme une balade en grande roue où ceux qui nous attendent disparaissent et réapparaissent successivement. C’est au fil des détours que Clara arrive à mettre en scène des modèles et avec qui elle explore la valeur des relations dans la production d’oeuvres.

Hugo Lacasse, mars 2015

Figures des plongeurs

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Mes plongeurs sont gymnastes amateurs ou grenouilles professionnelles, intrépides, déterminés. Ils portent souvent des palmes qui invitent à des manières variées de se mouvoir, sur terre comme sous l’eau. Les combinaisons, si proches du corps, montrent et dissimulent. Ils sont presque nus, pour mieux explorer les profondeurs Mes trois plongeurs sont en quête d’eux-mêmes, grimpant pour  plonger dans un grand bain, se noyer dans l’apesanteur.

Chacune de ces peintures rend compte d’une fraction de seconde d’un de leurs mouvements, avec ou sans transpiration. Cette fraction de seconde révélée correspond bien souvent à un entre-deux: pas tout à fait avant, ni après. Plonger : presque dans l’eau mais pas encore.

Ils sont comme des portes communicantes entre deux mondes, deux eaux . 

regard : Daniel SCHLIER

Clara et Ido ont un usage plus classique encore, pourrait-on dire, au regard du «métier» qu’ils mettent en oeuvre. La peinture se construit chez eux à partir d’une stratification, d’une superposition de gestes et de temps fractionné qui emprunte aux techniques classiques leur répertoire. Coller, enduire, poncer, recouvrir, dessiner, peindre non pas dans une logique moderniste et formaliste, mais pour ré-inventer un niveau de réalité. Clara porte cette logique jusqu’à un terme ultime; celui de la feuille d’or qui renvoie à la peinture pré-renaissante et du tableau qui échappe au plan pour devenir un moulin à images. Un labeur considérable pour aboutir à des images infimes est sa façon singulière d’être radicale. Son iconographie résonne d’autant plus fortement qu’il évoque avec finesse les “déjà-vu“ nombreux que nous accumulons au cours de nos expériences visuelles. Ido parle pour son ensemble important de petits tableaux de “human patterns“. Des motifs humains, des humains réduits à des motifs? Traduire est trahir et il appartient au regardeur de décider s’il regarde le plein ou le vide, le sens ou le non-sens. Pour autant Ido ne réduit pas cela à une logique binaire. La forte présence de faux bois, de faux marbres, l’intrusion récente de quelques animaux (insectes, reptiles) rend ces peintures plus complexes malgré la simplicité évidente, un brin joueuse de nos sens. Ne vous fiez pas aux apparences, en dépit dela maigreur de sa mise en oeuvre (dessin au crayon et lavis de couleur) Ido parle de peinture.

Daniel Schlier , Peintre et professeur en charge du groupe de recherche Peinture(s). Décembre 2013

Mémoire (extrait)

Mes peintures naissent souvent d’une idée qui s’impose et devient mon fil rouge pour avancer. Je ne raconte pas d’histoires, je crée une situation. À partir d’une idée, je réalise une banque d’images : dessins, photos trouvées, prises de vues… Je définis une structure qui permet de faire résonner ces images, de les libérer du sens que je leur donne initialement et dont le spectateur aura une perception certainement différente. Ces images produites se font écho les unes aux autres. De l’inconscient au conscient, je ne crois pas livrer d’images au spectateur avec des intentions précises, ni lui fournir des clefs de lecture : je cherche d’abord à m’adresser à la part instinctive de chacun…

Selon Roland Barthes, le temps du music-hall serait celui de l’immédiateté, tandis que le temps du théâtre, est celui de la narration, de l’épopée. Ainsi, mes images ne racontent pas mais livrent bel et bien une bataille comme au cirque où un saut périlleux n’est pas raconté, il a, simplement, lieu. Une image m’apparaît, je la note. Ce processus me permet de fixer des instants.

Pour mes derniers fixés sous verre, une foule se dessine de loin et, de près, notre oeil rencontre chacun de ceux qui la constituent. Nous observons leurs postures, imaginons peut-être leur psychologie. Ils sont à l’image de mon parcours, des mythologies de mes origines comme de mes différents déplacements. Ma peinture n’est pas un renouvellement formel, néanmoins, il y a une infinité de thèmes et de matières à explorer. Cela me suffit pour créer.

Clara CORNU 2018